Le Pont Supérieur « Bain de Soleil »

[venant de la piscine]

C’est en arrivant sur le pont supérieur qu’elle se rendit compte que l’idée n’était pas bonne du tout. Le lieu était désert et la piscine devant elle ne la tentait finalement pas.

La peur, elle était toujours en elle, plus encore, car maintenant elle était seule. Elle se retourna brusquement. Personne derrière ! Peut-être le vent, peut-être son imagination, peut-être seulement sa peur qui devenait palpable.

Elle enroula la serviette sur son corps transi et avança de quelques pas hésitants. Elle se refusait à partir, à retourner à l’autre piscine. Elle se déclara courageuse, se disait qu’elle avait tout inventé, qu’elle ne risquait rien, qu’il fallait qu’elle arrête d’avoir des idées aussi stupides.

Elle se dirigeait vers un transat, lentement, comprimant la serviette contre elle, ses cheveux mouillés libérant quelques gouttelettes sur son front, gouttes qui filaient sur son visage et qu’elle écrasait d’une main agacée lorsqu’elles faisaient mine de passer la frontière de ses sourcils.

Un objet sous son pied gauche vint l’arrêter dans sa progression. Elle retira le pied et vit un objet métallique sur le sol, une pièce de monnaie, une de ces pièces qui trônent dans les vitrines de certains magasins spécialisés dans les collections hors de prix.

Elle hésita mais finalement la curiosité l’emporta et elle se baissa pour la ramasser quand l’image gravée sur la face visible la fit sursauter. Sa main, prête à s’en emparer, se retira immédiatement tandis qu’un frisson lui parcouru l’échine.

Mais elle était curieuse, très curieuse, trop curieuse. Elle tendit à nouveau la main, referma la pièce dans sa paume puis se releva rapidement.

C’était à cet endroit que l’homme au costume sombre se tenait avec la femme blonde. Cette pièce lui appartenait-elle ? Elle eu à nouveau peur, une peur irraisonnée qui agrandissait ses yeux, l’empêchait de réfléchir, de reposer cette pièce qui ne lui appartenait pas, qui crispait au contraire ses doigts sur l’objet en métal.

Elle resta là, face à la piscine, ne sachant plus que faire, n’ayant plus envie de bains ni d’orangeade, voulant rebrousser chemin et ne trouvant plus la force de bouger.

Passage éclair dans ma cabine pour me débarrasser des loques qui me servent de fringues. Je peux pas me balader comme ça trop longtemps, imagine je tombe sur Johnny dans cette tenue… Vite, j’ouvre ma valise, je la vide sur mon lit à la recherche DU top super top, et du falze qui se mariera parfaitement avec. Celui là ? Non. Je fouille, farfouille, et je trouve! Hop, j’enfile le tout, remet mes tresses en place (non, ceux ne sont pas des couettes, mais des tresses, nuance!) , me voilà prête à repartir à l’aventure!

Pour info : la valise de Jenny est pleine, c’est un fait. Mais pleine de 20 fois le même bustier gris/blanc, et pareil pour le jean large et troué.

Un coup d’œil dans la glace, pour vérifier que tout est parfait. Et là, c’est le drame. Mon tatoo s’est effacé! Certainement à cause de l’autre qui m’a aspergé, là. Tiens, j’m’en rappelais pas d’elle… Hop hop hop, trois minutes plus tard, la tête de mort est à nouveau à sa place. Entre temps, je me suis aperçue (qu’apercevoir ne prend qu’un pet!) que j’avais une jolie entaille sur le bras, qui me laissera une super cicatrice. Ce qu’est con, c’est que je pourrais pas raconter comment je l’ai eu, j’m’en rappelle pas, même en me concentrant. Pas grave, j’improviserai. Par précaution (je ne sais vraiment pas pourquoi je fais ça, moi, mais bon, on sait jamais), je mets tout mon stock de tatoo dans une petite boite hermétique, et hop, dans ma poche.

Allez, zou, c’est reparti pour l’aventure!

Si j’avais imaginé trouvé une copine comme Kiki, si j’avais cru pouvoir m’éclater comme ça sur ce rafiot, j’aurai presque embrassé Tatie malgré ses poils tout dur au menton.

Nous y voilà, le pont sup. Depuis le début, je rêve de dominer l’océan (et les passagers du pont inférieurs…) d’ici. Les bras croisés sur la rambarde, je laisse le vent me décoiffer. J’aime ça. Je me sens libre. Je ne dis rien, je ne prépare même pas les prochaines crasses que je compte faire subir aux passagers. Même celle qui est à coté des transats, je vais la laisser tranquille un instant. Pourtant, juste une poussette et elle dévale l’escalier de métal…

Le vent battait ses jambes, soulevait la serviette qu’elle avait du mal à garder contre elle, plaquait ses cheveux contre son visage. Elle chercha du regard un endroit un peu moins venté et vit qu’elle n’était plus seule. Deux adolescentes avaient surgi dans son dos et envahi le pont supérieur.

Elle sourit en voyant leur vitalité et décida de s’asseoir à l’abri d’un des transats tourné contre le vent. Elle posa sa serviette sur le siège et commença à se rhabiller. Le vent avait au moins eu l’avantage de la sécher rapidement, même ses cheveux reprenaient leur souplesse.

Elle passa rapidement sa robe et s’installa confortablement sur le transat. La pièce qu’elle avait posé à côté d’elle attira à nouveau son regard. Elle la prit en main et l’examina sur toutes les coutures tout en gardant un oeil sur les jeunes filles qui semblaient prêtes à fomenter un mauvais coup.

Cette pièce était vraiment étrange et plus elle l’examinait et plus elle pensait qu’elle ne pouvait appartenir qu’à cet être non moins étrange qu’elle avait vu par deux fois et qui chaque fois lui avait fait mauvaise impression.

Un frisson vint lui rappeler qu’il faisait froid, le vent jusqu’à présent chaud était devenu glacial. La température semblait avoir chuté de plusieurs degrés en quelques secondes. Etait ce encore son imagination ou la seule pensée de l’homme en noir qui lui glaçait le sang ainsi ?

Elle avait la chaire de poule, il fallait absolument qu’elle se réchauffe. Elle se leva donc, mit la pièce dans sa poche droite et se dirigea vers une pile de serviettes au bord de la piscine. Elle en prit une et la mit en cape autour d’elle. Elle dégagait une odeur agréable de linge propre, cela la réconforta un peu. Elle retourna alors s’allonger sur le transat pour profiter de ces quelques instants de repos.

Du côté du fond, l'un des membres d'équipage semble entamer une petite discussion avec l'une des personnes qui se trouvait là, appuyé sur la rembarde... C'était d'ailleurs chose étonnante qu'il ne fut remarqué auparavant, vu sa tenue pour le moins voyante, avec en tête de liste une magnifique chemise hawaïenne rouge à fleurs blanches du plus mauvais goût.

Mais, visiblement, il n'était pas criard que dans sa tenue, puisqu'alors que la question du mousse était discrète, la réponse, elle, fut détonnante et clairement audible...

"De quoi ais-je l'air d'après vous?! Si je voulais vraiment me cacher de vos bons et loyaux services, j'aurais fui, avec grâce et style, car il faut TOUT faire avec grâce et style!"

Comme pour illustrer ses dires, d'un saut d'un seul, il se mit à pieds joints sur la rembarde pour continuer à déclâmer.

"Je suis de par ma propre volonté, et nulle autre, je suis le patron en vacances du plus grand groupe de production de jus de poire au monde! Poire Regnor, Moi j'adore, ça ne vous dit rien?! Mais si ça vous dit quelque chose, et vous le savez, suppot infiltré du ténébreux lobby de l'abricot!"

Se plaçant dans le soleil, il pointa sur l'employé un doigt accusateur.

"OUI! Je vous ai démarqué, fourbe individu! Franchement, espériez-vous que j'allais tomber dans votre panneau, en croyant que sous pretexte que je n'ai sur moi ni bagage, ni titre de transport, ni idée de mon numéro de cabine, ni clé idoine, je suis forcément un clandestin?!

Ah, ça, les raccourcis, vous savez faire, mais pour la comédie, vous pouvez repasser! Sachez que rien ni personne, aucune de vos embuches, ne m'écartera de ma voie sacré sur laquelle je me suis engagée, pas même vous! Alors si vous croyez que vous pouvez me faire passé pour un vulgaire clandestin..."

Descendant de la rambarde en un saut, il plongea sa main dans un cannot de sauvetage pour en extraire une bouteille de nectar de poire...

"Vous vous mettez le doigt dans l'oeil!"

Puis, en un jeté de ses longs cheveux de façon outrancièrement classieuse, il prit, le menton en l'air, congé de l'employé, pour s'installer près d'Axelle, sur le transat d'à côté en fait.

"Le petit personnel, de nos jours... Un jus de poire?"

Elle avait fermé les yeux. A l’abri du vent, elle profitait du soleil de cette belle fin d’après-midi. Dans quelques heures aurait lieu la réception tant attendue, le réveillon de l’an 2000. Ce moment fatidique, elle comptait bien en profiter et laisser au placard ses craintes d’un autre temps. Oublié l’homme en noir, les yeux déments de ces hurluberlus qu’elle avait fuis dans l’infirmerie. Même les douleurs qui l’élançaient encore un peu s’amenuisaient maintenant qu’elle était pleinement détendue.

Les gamines à l’autre bout du pont était calmes, étrangement calmes d’ailleurs. Elle soulevait les paupières de temps à autres pour les observer, puis rassurée reprenait le cours de ses rêveries.

Finalement, elle en profiterait de cette croisière idyllique. Elle avait mal commencée certes mais elle comptait bien remédier à cet état de fait. Un bon repas l’attendait, elle boirait sûrement plus que de mesure, rirait un peu trop bruyamment mais personne ne s’en apercevrait car tous étaient venus pour faire la fête et pour laisser leurs idées noires au placard.

Elle se prit à sourire en imaginant l’homme au costume de corbeau en train de danser sur les tables. Elle était à nouveau d’humeur chantante, prête à toutes les folies, à prendre la vie à bras le corps, quitte à en être malade à crever dès le lendemain matin.

Le soleil y était pour beaucoup de chose à cette bonne humeur retrouvée, le calme et l’immobilité avaient fait le reste.


Il devait commencer à se faire tard lorsqu’une voix fanfaronne lui fit tourner la tête. Elle vit un individu debout sur la rambarde et un homme d’équipage à ses côtés. Le vent portait les voix vers la mer mais il parlait si fort, l’équilibriste, qu’elle entendit sans difficulté toute la conversation.

Elle dû cacher avec sa main le soleil couchant qui l’aveuglait pour suivre la scène qu’il jouait en duo avec l’homme de bord. Elle le vit sauter sur le pont, aussi souple qu’une panthère, pu apprécier la manière dont il embobinait son interlocuteur en ne lui laissant le temps ni de parler ni de faire le moindre geste.

Lorsqu’il fit mine de s’approcher d’elle, elle retira immédiatement sa main et reposa sa tête bien droite sur le dossier du transat tout en refermant les yeux.

Elle ne perdit pourtant aucun mouvement du jeune homme. Il venait dans sa direction, elle en était sûre, et s’installait dans un transat proche d’elle, oui très proche…

Au son de sa voix, elle tourna la tête sans la détacher du siège puis ouvrit des yeux rieurs. Elle l’observa quelques instants. Il était allongé, décontracté, une bouteille de jus de poire à la main. Elle redressa alors légèrement la tête et ses lèvres s’ouvrirent sur un sourire éclatant.

« Oui j’veux bien. Ca fait un bon moment maint’nant que j’me dore la pilule sans rien faire, et j’commence à avoir l’gosier bien sec. »

Elle s’arrêta de parler et se mordit les lèvres, ayant peur soudain que son langage de banlieusarde le fasse fuir. Elle hésita quelques instants essayant de se rappeler comment les gens bien font pour parler puis reprit.

« Je m’appelle Axelle et vous ? »

Un peu brutale comme présentation mais quelque chose lui disait que le jeune homme ne serait pas offusqué de ses manières directes.

Le langage familier de la dame tranchait assez clairement avec son apparence, ce qui ne fut pas sans étonner Emmerich... Cet étonnement y fut sans doute pour quelque chose, du coup, lorsque tentant avant de se remettre debout de faire voler un peu la bouteille en l'air avant de la rattraper au vol, il la vit atterir durement, dans un "BONG" caractéristique.

Sauvant comme il le put les apparences, il s'agenouilla pour saisir avec douceur Axelle au niveau du poignet, la regardant droit dans les yeux.

"Emmerich Regnor, chaste gentleman. Ravi de faire votre conaissance."

Ponctuant sa présentation en effleurant de ses lèvres le dos de la main de son interlocutrice.

Ceci fait, il se releva, sa bouteille à la main, pour hêler le membre d'équipage précédemment invectivé.

"Hé! Vous là! Manolo! Enfin, je ne sais pas comment vous vous appelez, mais, ça vous va bien Manolo, on ne vous l'a jamais dit? Bon, je vous le dit, et vous l'affirme. Manolo donc mon petit, au lieu d'embêter les bonnes gens, pourrais-tu -on peut se tutoyer au moins?- aller nous chercher deux verres? Vides. Pronto!"

Dit-il, en claquant des doigts trois fois, avant de se réinstaller, assis pour faire face à Axelle, sur le transat... Sans le vouloir, il agit de sa façon habituelle lorsqu'il croisait quelqu'un avec un langage peu châtié. A savoir, en employant, lui, un langage des plus soutenus qui soit, bien servi par son ton de voix ; assez énervant.

"Cet hère est assurément parti aussi vite que ses jambes pourront le porter, chère Axelle. En attendant, quel pourrait bien être le fascinant sujet de conversation qui animera cet interlude précédent votre noble réhydratation, au moyen de cet exquis jus de poire?

La pluie et le beau temps? Les champignons? Vous, moi? Cette croisière? Je suis galant homme, et n'ai que trop peu d'idées, le choix est donc tout vôtre, mademoiselle."

Elle faillit rire aux éclats en le voyant si maladroit, fut impressionnée quand il s’agenouilla devant elle pour lui faire un baise main des plus travaillés, et attendit avec impatience que les deux verres arrivent pour goûter au nectar qu’il avait dans les mains.

Une chose était certaine c’est qu’il avait un bagout de tous les diables. Seule gêne à ce magnifique tableau, cette impression qu’il se moquait d’elle, de son langage. Et cela, c’était bien quelque chose qu’elle ne lui pardonnerait pas s’il osait la prendre de haut.

Mais peut-être était-il simplement un galant homme, du genre de ceux qui vous ouvre la porte du magasin où vous hésitiez tant à rentrer et dans lequel vous êtes finalement obligé de vous enfourner, ou bien de ceux qui vous laisse monter dans le bus la première, histoire de vous reluquer par derrière.

Quoi qu’il en soit, elle avait décidé de boire au moins ce verre qu’il lui offrait si gentiment, et puis elle était curieuse, toujours cette curiosité maladive qui lui avait joué de si vilains tours tant et tant de fois.

Elle décida de s’asseoir confortablement et fit basculer ses jambes dans l’espace séparant leurs deux transats.

Tu causes bizarre quand même toi !

Tu sais moi j’préfère t’dire que les belles paroles ça m’impressionne pas !

Si tu veux tu m’appelles Manolo mais t’arrêtes de m’faire la cour comme si j’étais la duchesse de Monvermeille !

L’entrée ayant été servie à froid, elle reprit d’un air plus mutin.

Alors comme ça t’as pas payé la traversée. Faut pas m’la faire à moi j’vois bien qu’t’es pas multimilliardaire, ces gens là ça turbine pas au jus d’poire, même si c’est l’cru du siècle.

T’inquiètes va j’dirais rien, t’as l’air sympathique mais va falloir jouer carte sur table avec moi et j’te parle pas t’entamer une partie d’poker !

Si à sa maladresse, Axelle faillit rire aux éclats, Emmerich, lui, ne se retint pas une seconde, exposant ton timbre de voix si caractéristique en un rire pour le moins appuyé, avant de répondre, non sans un réarrangement de cheveux.

"Vous dites que ça ne vous impressione pas, mais, j'ai bien perçu cette lueur de satisfaction et d'étonnement, lors de mon introduction. J'ai ce langage au naturel, et ces manières aussi. Et, je sais qu vous savez que vous avez très nettement préféré mon exquis baise main à tous les "wesh gadjie" du monde, accompagnés d'une virile tape sur les fesses."

Puis, il prit un air plus assuré encore, croisant les doigts, souriant, et tournant un peu la tête, pour exposer la suite de ses paroles.

"Mais, vous vous détrompez pour ce qui est de mon statut. Du moins, partiellement."

Semblant savourer à l'avance la suite des évènements, il se saisit alors de la bouteille pour la montrer, face étiquette, vers Axelle. Sur le logo, l'on voyait en grosses lettres le nom "Regnor"

"Car je suis bel et bien plein aux as. Je suis galant homme, et n'aurais jamais osé vous mentir sur mon nom, je n'irais pas jusqu'à vous montrer ma carte d'identité, ce serait indécent."

Ceci dit, il lança la bouteille en l'air vers lui. La manqua de peu, ce qui lui valut un echec, fort heureusement sur le transat, sans dommages donc. Il sortit constatant ceci un stylo, appuya sur un bouton, et dit:

"Note pour plus tard: demander à la R&D de soigner l'aérodynamisme des N75C"

Puis, remettant l'enregistreur dans la poche de sa chemise...

"Seulement voyez-vous... Je suis différent de l'image que vous, et la plupart des gens d'ailleurs, se font des hommes d'affaires. Mes parents ont toujours vu le milieu comme quelque chose de très traditionnel, de très austère, et n'envisageaient rien d'autres que ce qu'ils avaient toujours fait, et que leurs parents avant eux avaient toujours fait. Préservant un immense capital pour des raisons mysterieuses...

C'est une erreur. Nous ne vivons pas dans la même époque que celle dans laquelle ils ont vécus! Mais, peut-on seulement appeler cette série d'accumulations vivre? Je suis plus de ceux qui aiment à ne pas oublier le désir d'aventure qui est en eux. Si je suis monté ici d'une façon si originale, c'est car je cherche non pas l'économie, mais le frisson!"

Prenant une pose encore plus fière l'espace d'un instant, il se rallongea ensuite, sortant une paire de lunettes de soleil pour, après les avoir mises, conclure d'un...

"Qui plus est, le prix des marchandises à bord est si scandaleux qu'ils en auront tout de même pour leur argent."

Ses deux bras posés sur les genoux, Axelle faisait reposer sa tête sur la paume de ses mains, pensive. Elle essayait d’imaginer sa vie si elle avait été riche. Pouvoir satisfaire tous ses caprices, pouvoir parler aux gens de si haut que baisser les yeux pour les regarder, les petites gens, pouvait faire tourner la tête au point de devoir s’asseoir pour ne pas tomber.

Si elle avait été riche, croulant sous l’or, elle aurait les mains couvertes de bijoux, deux ou trois servantes qui lui apporteraient le petit déjeuner au lit, une multitude de beaux partis qui se prosterneraient à ses pieds. Ah si elle avait été riche !

Et lui, il dormait dans un canot de sauvetage, partait à l’aventure sans bagage, portait une chemise des plus hideuses alors qu’il pourrait avoir le top du top.

Regnor … Elle n’avait jamais entendu parler de cette marque de jus de poire mais vu le stylo enregistreur qu’il avait tiré de la poche de sa chemise, elle devait être vraiment très renommée.


Il avait raison la marque de déférence à son égard l’avait touchée, personne ne lui avait parlé ainsi. C’était plutôt du couche toi là qu’elle récupérait dès le premier regard échangé. Aussi elle avait décidé une bonne fois pour toute de le trouver sympathique. Et puis qui sait, peut être qu’elle pourrait trouver le moyen de se faire payer quelques fanfreluches pour égayer un peu ses habits bon marché défraichis par le temps.

Elle laissa le silence s’installer quelques instants, occupée par ses pensées, puis tourna la tête vers le jeune homme.

Elle chercha à percer l’écran de ses lunettes pour croiser son regard mais dû renoncer à voir à travers les verres trop sombres.

« Tu m’plais bien toi, même si j’comprend pas tout c’que tu m’dis !

T’as pas d’bagages alors ? »

Dit-elle finalement après avoir fait glisser son regard sur la chemise très voyante, mais aussi très fripée !

Elle posa son pied droit sur l’armature du transat où il s’était allongé et tout en réajustant son bandage fort malmené par le long séjour dans la piscine, elle continua sans le regarder.

« Si t’as b’soin d’prendre une douche, tu peux utiliser ma cabine. En échange, tu m’paieras de nouvelles chaussures à la prochaine escale. Les miennes j’lai ai paumé j’sais plus trop où »

Le bandage a nouveau bien serré autour de sa cheville elle redressa la tête.

« Tu crois qu’il va revenir l’Manolo ? Sinon j’vais chercher moi même les verres pendant qu’tu t’reposes un peu. Ca doit pas être très confortable les canots d’sauvetage ! »

[Venant de la piscine ]

Le ciel était limpide, pas un nuage, d’un bleu parfait, pur et froid. La brise était fraîche, agréable et douce, contrastant avec ces rayons de soleil chauds, enivrants et lancinants. Le parfait tableau pour cette journée de bonheur et de paix. En tout cas, c’est le sentiment qu’eu Tom en arrivant en haut des marches. Cela lui rappela de bons souvenirs, même ses meilleurs souvenirs qu’il eut dans sa vie médiocre, ceux d’une période magnifique.

Dans l’herbe tendre et fraîche d’une vallée, à l’ombre d’un chêne solitaire, regardant ce même ciel bleu qu’aujourd’hui, réchauffé par la douce chaleur du soleil. Tom tenait dans ses bras, la femme la plus belle qu’il n’ait jamais rencontré, elle était parfaite, sa peau était plus douce que les pétales d’une rose, ses yeux verts d’émeraudes avaient dans le fond une lueur telle le phare éclairant les ténèbres de ces deux océans. Ses cheveux d’or étaient plus soyeux que la plus douce des soies d’Asie. Oui, magnifique… et ce sourire, unique et mystérieux, capable de calmer cet homme au passé trouble et triste. Cette voix berçant ses rêves et ses songes, plus cristalline que le diamant, plus enivrante et apaisante que le chant d’une sirène. Oui, elle avait tout, tout pour plaire, tout pour prendre, tout pour garder, tout pour charmer, mais surtout tout pour mériter une vie paisible et sans dangers.

Mais non, hélas, il fallut aussi qu’on la lui prenne, ce fut un jour d’automne, là où les feuilles tombaient par milliers comme si les arbres changeaient de robes, d’aspect pour pouvoir accueillir une robe blanche et pure, plus fade, plus silencieuse, plus froide mais tellement plus noble. Ce jour, un jour de pluie comme toujours, il a fallu qu’elle veuille sortir dans ce parc au milieu de nulle part. Il a fallu qu’elle insiste malgré le temps menaçant l’orage à tout instant. Et moi, je n’ai pu refuser face à ce visage d’ange qu’elle dressait comme si la pluie n’était rien, et qu’elle serait capable de calmer le pire des orages, la pire des tempêtes rien qu'en montrant ce visage au dieu du ciel.

Et armé d’un parapluie, nous sortîmes tout les deux, serrés l’un contre l’autre, tel l’amour qui nous liait avec ce nœud assez solide pour que le plus fort des titans ne puisse le défaire. Le ciel pleurait, sur l’instant je m’en fichais, elle riait de la situation, elle était heureuse et c’était ce qui m’importait, puis nous quittâmes le parapluie pour danser sur les flaques et les pavés de la ville. Oui, qui aurait pu se douter que temps de bonheur serait cassé, explosé en morceaux, dilapidé, arraché par un évènement insouciant.

En effet, nous arrivâmes au parc, mouillés même si l’état de nos habits était assez déplorable. Et là, le drame arriva, dans ce parc perdu dans la banlieue. Des coups de feu retentissèrent et surpris nous nous cachâmes jusqu’à l’inévitable. Le calme et le silence revenus, je vis que sur sa robe mouillée apparaissait une grosse tâche de sang, inquiet je fis pression sur sa blessure tout en essayant d'appeler une ambulance avec mon portable. Mais hélas, il était déjà trop tard, elle mit ses mains sur mon visage pour m’empêcher de continuer et me fit le plus beau de ses sourires. Elle me regarda dans les yeux et me dit ces paroles dont je me rappelle encore le moindre mot comme si c’était hier :

Tom, mon amour, laisse tu ne peux rien faire….

Et moi, le regard perdu dans ses yeux d’émeraudes, je lui répondis :

Julia, je ne veux pas que tu partes, qu’est ce que je vais faire ? Mon cœur est vide sans toi …Laisse moi te sauver…

Une larme coulant sur sa joue et des larmes perlants sur mon visage, se mêlant à la pluie, elle me répondit :

Non,… Tom… je me vide de mon sang… tu ne peux rien y faire… vis pour moi… vis pour nous… profite de la vie… je te promets de veiller sur toi de là haut… maintenant… laisse moi partir…

Sur ces mots, elle me força à approcher mon visage et m’embrassa d’un dernier baisé avant que son visage ne se perde dans le vide du ciel, que la lueur dans ses yeux ne s’efface et que son corps se fige. Impuissant face à la situation, voyant les secours arriver trop tard, je lève la tête vers le ciel et hurle de douleur et de tristesse. La pluie pleurant de toutes ses larmes d’un sombre destin dont elle connaissait la fin…

Oui, triste souvenir en ce jour plein de soleil. Je reprends mes esprits, une larme coulant sur ma joue, me maudissant d’avoir jeté mon pendentif, seul souvenir de Julia et je me dirige vers l’endroit où j’avais laissé mon violon. Je le prends dans mes mains, d’apparence extérieure, il a séché et ne parait pas endommagé. Et bien ce vernis est vraiment d’une grande qualité, je tape sur le corps de bois pour écouter les sons qui en sortent.

Toc ! Toc ! Toc !

Hum… la sonorité semble bonne à Tom vu l’expression de son visage. Il prend son archet, accorde le violon tant bien que mal, avec tout l’art de son oreille de musicien. Puis joue un air mélancolique…. Encore… en l’honneur de cette femme qui a su conquérir son cœur. Julia.

Puis, il change d’air, dans un semblant de joie, il joue un air d’Irlande, joyeux et plein d’entrain à souhait. Dansant presque sur les notes, un faux sourire sur le visage, las de cette vie emplie de tourmentes, fatigué des jours passés, il se dirige vers l’une des rambardes, monte sur celle-ci, jette son violon à la mer, et les bras étendus tel un ange, se jette dans le vide….

….

….

….

Plouuuff !

Et disparaît à jamais dans les ténèbres de l’océan…


[voila, je vous souhaite à tous une bonne continuation, je ne sais si je réapparaîtrais, je suis las de jouer ce personnage. Ceci fut la dernière danse de Thomas Von Kleist. Bonne lecture Et let's go Role 'n Play]

Toujours confortablement installé dans son transat, Emmerich répondit, tout sourire, toujours avec autant de confiance en soi débordante:

"Ais-je vraiment l'air d'un vieux monsieur perclus de courbatures? Ha ha ha, je ne pense pas. Qui plus est, vous envoyer chercher la moindre chose serait indigne d'un gentleman tel que moi! Non, je sais de toute façon ce qui se passe, et je peux vous assurer que ça n'arrivera plus à l'avenir. Oh, voyez, j'entends des bruits de pas, ce doit être lui."

Faisant quitter l'un de ses bras de derriere sa tête, il sortit de la poche arriere de ton pantalon noir son portefeuille, et, alors que le membre d'équipage arrivait à leur niveau, lui tendit un petit billet.

"En te remerciant Manolo, mais, un peu plus d'entrain la prochaine fois, ok?"

Puis, attendant que le garçon parte, il se releva un peu pour servire de son jus dans les verres, laissant l'un d'eux à portée d'Axelle.

"Vous voyez... C'était là le problème: il me soupçonnait, malgré mon éminent discours, d'avoir pu embarquer en douce, et donc, de ne pas avoir de quoi lui fournir son pourboire. Maintenant qu'il sait que ce n'est pas le cas, aucune raison qu'il lambine autant. Et somme toute, pour une somme d'argent si petite, j'ai cette magnifique croisière, en votre charmante compagnie, et le service optimal... Economie d'entreprise appliquée au privé. J'aime."

Il savourait toujours autant sa propre attitude, tout en savourant bien assez vite son propre jus de poire... Un bruit, un plouf, lointain, trop pour venir de la piscine... Sans doute une dispute qui menait à un balançage de valises par dessus bord. Ou quelqu'un que le personnel de bord aurait tôt fait de ramasser. Rien de quoi s'inquiéter somme toute, assurément. Aussi continua-t-il, l'air de rien.

"Ces cannots de sauvetage conservent à merveille la fraicheur du jus de poire. Mais, pour vos questions, plus tôt, rassurez-vous, j'ai tout ce qu'il me faut en bagages, le seul inconvéniant est que si le sommeil dans les cannots est tout ce qu'il y a de plus possible avec un peu d'aménagement, se changer est une plaie par contre. Et il n'y a pas de douche. J'accepte donc votre proposition avec une joie immodérée, ne serait-ce que parce que je détesterais laisser une jeune femme telle que vous ainsi déchaussée."

Puis, baissant un peu ses lunettes pour regarder au niveau des chevilles de son interlocutrice, il lui demanda:

"Mais, au fait... Si ce n'est pas indiscret, comment vous êtes-vous fait ça Axelle?"

En désignant du doigt son bandage à la cheville...

Axelle entendit le bruit caractéristique d’un objet qui tombe dans l’eau, elle se retourna pour voir d’où pouvait provenir ce bruit mais voyant qu’Emmerich ne semblait pas bouger elle ne prit pas au sérieux les cris de la jeune adolescente qu’elle voyait s’agitait de l’autre côté du pont.

Elle pensa qu’elle avait dû lâcher son ours en peluche. C’était un drame certes, mais pas suffisant pour prendre dans les oreilles les décibels qui sortaient du poitrail juvénile.

Elle se retourna donc vers son compagnon tout en portant à ses lèvres le verre de jus de poire posé à côté d’elle. Elle attendait que l’hystérique jeune fille arrête ses cris pour lui répondre mais elle n’en eut pas l’occasion. Avant même qu’elle comprenne ce qu’il se passait, la jeune fille déboula à toute allure dans leur direction en criant de plus belle. Axelle eu du mal à comprendre ce qu’elle racontait tant elle était agitée.

Quand elle eut réalisé la gravité de la situation, elle se leva d'un bond laissant échapper de son verre une bonne partie du précieux liquide qu'il contenait.

« Nom d’une pipe, y’a un gars qu’est tombé dans l’eau ! V'nez vite ! »

Elle se mit aussitôt à courir vers le lieu présumé de l’accident et se pencha pour scruter les eaux noires.

« Je n’le vois pas ! Mon dieu il doit êt’e mort ! »

Elle se pencha plus encore pour tenter de voir ce qui était resté dans le sillage du bateau lorsqu’elle vit flotter à la surface un objet charrié par le ressac qui venait battre les flancs du navire. Elle plissa les yeux, fouilla l’obscurité et pu enfin mettre un nom sur l’objet, c’était un violon….

Son sang quitta son visage pour refluer dans sa poitrine où il se glaça net. Elle ouvrit la bouche pour crier son nom

« TOOOOOOOOOOOOOMMM »

mais aucun son ne sortit. Les larmes se mirent à couler à flot sur ses joues sans qu’elle puisse les retenir, mouillant ses cheveux emportés par le vent qui l’aveuglaient et l’enfermaient dans sa douleur.

Tom, le seul qui l’ait aidé sur le bateau. Mort….

Elle se laissa glissée lentement contre la rambarde, tomba à genoux et tout en se balançant de l’avant vers l’arrière les bras croisés contre elle, elle se mit à prier pour la paix de son âme pendant que sur le pont les gens s’agitaient autour d’elle.

Je suis pétrifiée.
Je l’ai regardé s’approcher. Je l’ai écouté jouer cette musique qui a fait danser Kiki. Je ne lui ai rien dit, absolument rien. Pour une fois, je profitais, tout simplement. Et il a sauté. Et je n’ai pas bougé. Je n’ai même pas suivi sa chute des yeux.

Maintenant, j’entends qu’on s’affole, qu’on pleure, qu’on crie son nom. Tom. Et moi, je reste là, sans un mot qui sort de ma bouche. Je reste spectatrice, mon regard se pose sur chacun des passagers présents sur le pont, plein d’interrogations. Je ne comprends pas. Non, je ne veux pas comprendre.

Finalement, je regarde par-dessus bord. Le violon flotte, s’éloigne du bateau. Et un radeau s’approche. Mon bras se tend vers lui, mes doigts se referme sur cette silhouette qui s’agite. Et je l’emporte avec moi.
Mes jambes tremblent, mais elles veulent me porter loin d’ici. Je m’éloigne à reculons de la rambarde, la main qui a capturé le radeau dans une poche, et l’autre qui veut leur montrer ce que j’ai vu, le doigt tendu vers l’océan comme Christophe Colomb montrant sa frégate.

On ne crachera pas encore du pont sup. Je me rapproche des marches qui me conduiront dans un autre lieu, où personne ne saute dans le néant, où le bruit masquera mon silence. Je vais vers la musique.

[Suite au salon Elisabeth]

TARA !!! rien...

La nuit est venue l’entourer de son manteau noir. Elle s’est approchée d’elle, à pas feutrés, elle a assombrie le ciel, puis les eaux pour envahir enfin le pont supérieur.

Le bateau a continué à fendre l’océan, laissant la mort derrière lui dans son sillage. Il ne s’est pas arrêté, personne ne s’est retourné, aucun canot n’a été jeté à la mer, les projecteurs ne se sont pas allumés, ils n’ont pas fouillés les eaux recouvertes de ténèbres.

Il est loin maintenant ce corps sans vie qui s’est enfoncé dans l’océan sans laisser de traces, à part dans le cœur de celle qui pleure en silence un homme qu’elle ne connaissait pas.

Un homme est tombé à la mer, et la fête a continué à battre son plein dans les entrailles du bateau, comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé.

Elle s’est relevée lentement, ses jambes étaient endolories par cette longue posture assise, elle ne s’est pas rendue compte qu’elle avait mal, car c’était son cœur qui saignait et non ses membres.

Elle a posé sa main sur la rambarde, s’en est servi d’appui pour avancer. Elle voulait aller à l’arrière du bateau pour le suivre des yeux ce point où il a sombré, qui s’éloignait si vite. Elle a regardé le violon flottant sur les eaux, jusqu’à ce qu’elle le perde de vue.

Son regard est resté fixé sur ce point disparu à l’horizon, mangé par la nuit, rendu à la mort. Elle a entendu la voix du capitaine, cette voix qui aurait dû sonner l’alarme pour récupérer un corps tombé à l’eau, elle l’a entendu mais ne l’a pas écouté.

Elle est restée sur le pont, les mains enserrant la barre qui la retenait à la vie et a attendu que le choc se produise. Elle n’a pas tourné les yeux, ne les a pas fermé, elle a attendu tout simplement. Elle était venue pour faire une croisière, c’est un voyage qu’elle fera, pas celui qu’elle avait imaginé mais un voyage quand même…

Décidément, cette conversation si spontanée avait quelque chose de plaisant... L'ambiance générale y était pour beaucoup. Aaah, ce ciel bleu, ce lointain clapotis, ce calme, ce...

HHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

[i]Qui fit aussitôt basculer Emmerich de son transat, nez contre le sol, un peu plus loin. Question de surprise plus que de souffle, bien que la jeune fille semblait avoir un coffre étonnant... Ca n'en était pas moins une jeune fille cependant, et, son meilleur ami tombé à l'eau était indéniablement son nounours...

Le problème vint de l'interêt que portait son interlocutrice pour ce cas... Trop d'interêt, et, un nom, crié là aussi avec coffre... Donc, soit elles avaient toutes deux un ami nounours commun. Soit ce n'était pas un ami nounours...

"A tous les coups, on va me reprocher de n'avoir rien fait pour le sauver..." pensa-t-il, se levant de son transat, laissant son verre sur place, pour partir attendre que la vague se tasse, bien au chaud (c'est tout relatif) vers son cannot. De toute façon, il était essentiellement réveillé de nuit. Et c'aurait été, dans l'absolu, dommage de louper le feu d'artifice pour le passage d'une année commençant par un 1 à une année commençant par un 2...

Le réveil fut tout aussi délicat que le fut la voix de Candy. C'est à dire, absolument pas. Se dépêtrant dans l'obscurité, il monta la bâche recouvrant le cannot pour voir ce qui pouvait bien se passer... Et, le résultat ne se fit pas attendre: soit leurs feux d'artifices étaient TRES forts, soit c'était bel et bien un problème. Mais, le fait que l'horizon ne soit pas à sa place semblait confirmer la deuxième théorie...

Pas de temps à perdre, ça avait l'air grave, et ce fut dans un mouvement des plus stylistique qu'il quitta son présent cannot purement ornemental pour aller là où sont ceux qui avaient vraiment une importance dans un naufrage, passant avec classe par dessus la rambarde pour réaterir, quelques mètres plus bas...

Le choc elle l’attendait, il fut violent. Le bateau s’est arrêté, et elle a senti sa vie lui échapper. La peur, la peur elle a envahi ses yeux, les faisant briller dans les ténèbres, briller de larmes qui ne voulaient pas couler.

Chaque larme comme les étoiles étaient un espoir dans la nuit, la preuve qu’elle était encore vivante et qu’elle continuerait à croire en la vie tant qu’il lui resterait une raison de pleurer.

Et cette envie de vivre, plus forte que tout, qui soulève les montagnes, qui se moque des écueils, qui n’a pas de raison, ne se connaît pas de frontière, cette envie, elle a poussé dans sa poitrine lui arrachant un cri, un cri de rage, mais pas d’effroi.

Cette envie de vivre, elle l’a retenue de passer par-dessus bord, elle a dû s’agripper à la rambarde pour ne pas verser sur le pont inférieur lorsque le choc s’est produit. Cette envie elle l’a rendu plus forte, mais aussi plus dure, plus dure que la roche, plus froide que le marbre.

Elle ne sourit pas, elle ne sourit plus, seuls ses yeux donnent un espoir et cet espoir c’est ce qui va la faire marcher, c’est ce qui va la faire courir, dévaler les escaliers, s’il en reste d‘accessibles. Elle va en oublier sa cheville enflée, elle va en oublier tout ce qui l’empêcherait d’atteindre son but : vivre !

Elle sait qu’elle a le temps, le temps de partir, que le bateau va rester entre deux eaux encore quelques heures. Et elle sait exactement comment elle va mettre à profit ce temps qui est donné pour préparer son sauvetage.

Elle y arrivera seule ou aidée, de ses mains nues ou avec tous les objets qu’elle trouvera, mais elle y arrivera. Elle vient de graver un mot dans son esprit : Survivre !

Cette pensée, c’est celle qui la guidera dans chacun de ses gestes, la seule logique qu’elle conservera, sa seule force, son seul but.

Mais pour l’heure elle veut voir ce qu’il s’est passé. Alors elle suit la rambarde et remonte le pont légèrement incliné vers l’avant du bateau. Elle ne voit presque rien, la nuit est profonde mais la lune montre ce qui la nuit veut garder secret. Les contours d’une ile, elle en est sûre devant elle se trouve la terre ferme, à quelques kilomètres à peine. Elle jauge la distance, à la nage c’est impossible, surtout que les eaux chaudes des mers du sud doivent être gorgées de requins à cette époque. Il lui faut donc un espace sécurisé pour franchir la barrière liquide.

Un canot sur le pont, elle se précipite vers lui, il est trop lourd pour elle. Elle n’a aucune chance de le transporter à flot. Par contre, les rames, elle les prend sous le bras. Elle quitte alors le pont supérieur et descend dans les coursives à la recherche d’une embarcation potable.

[Dans les coursives tribords]

(hrp : pour info, Axelle n'a pas crié le nom de TOM, le cri est resté coincé dans sa gorge )